En dépit des mesures d’aides instaurées par le gouvernement, de nombreuses entreprises continuent de déplorer une baisse, voire une perte totale de leur chiffre d’affaires depuis 2020. Face à l’impossibilité d’assurer une activité économique pérenne, certains dirigeants se retrouvent au pied du mur contraints d’envisager le licenciement d’un ou de plusieurs salarié(s). Le cabinet LEGALPROTECH-AVOCATS vous apporte dans cet article quelques clarifications sur le licenciement économique, sur ses conditions, sa procédure et les obligations qu’il sous-tend.
Qu’est-ce que le licenciement économique ?
Le licenciement économique est un licenciement effectué par l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié. En effet, contrairement au licenciement pour motif personnel (ex : pour faute) le licenciement économique ne doit relever que de la situation de la société et peut résulter de l’une et/ou l’autre des circonstances suivantes :
1 | Des difficultés économiques de la société caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique, tel qu’une baisse du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie, de l’excédent brut d’exploitation, etc. |
2 | De mutations technologiques ; |
3 | D’une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; |
4 | De la cessation de son activité. |
La loi ne fixant pas de liste limitative des motifs permettant de justifier un licenciement économique, les difficultés financières d’une entreprise sont sujettes à interprétation et devront être étudiées au cas par cas.
Dans un contexte post-covid, il importera de toujours apprécier celles-ci en fonction des capacités de l’entreprise et des difficultés rencontrées par d’autres entreprises dans le même secteur d’activité.
Dans le cadre d’une dégradation de la trésorerie, peuvent être cités les exemples jurisprudentiels suivants :
- La dégradation des recettes par l’effet de la réduction des fonds publics et des demandes d’études impactant tant le résultat que la trésorerie d’une association (Cour d’appel, Nîmes, 5e chambre sociale, 10 septembre 2019 – n° 17/00769) ;
- Le bilan des comptes qui révèle que les seuls produits d’exploitation proviennent de subventions lesquelles ont baissé au fil du temps, que les dépenses sont très déséquilibrées par rapport aux entrées et spécialement celles représentant les charges salariales qui grèvent très lourdement le budget (Cour d’appel, Pau, Chambre sociale, 5 janvier 2017 – n° 14/02207) ;
- L’évolution des résultats financiers sur plusieurs années, qui démontrent que le résultat d’exploitation est déficitaire et ne cesse d’augmenter, que les fonds propres diminuent, que les ressources diminuent également au vu de la baisse de recours aux services proposés (Cour d’appel, Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 18 décembre 2020 – n° 17/13894).
Lorsqu’il est question d’une « baisse du chiffre d’affaires », le Code du travail précise que pour une entreprise de :
- Moins de 11 salariés : une baisse équivalente à un trimestre constitue une difficulté économique ;
- De 11 à 50 salariés : une baisse de 2 trimestres consécutifs constitue une difficulté économique ;
- De 50 à 300 salariés : une baisse de 3 trimestres consécutifs est nécessaire à prouver une difficulté économique ;
- De plus de 300 salariés : une baisse de 4 trimestres consécutifs constitue une difficulté économique.
Le licenciement est ainsi justifié en raison de la baisse importante des commandes ou du chiffre d’affaires, lesquelles constituent une source de difficultés économiques sérieuses pour l’entreprise.
En cas de contestation du motif économique, le salarié pourra saisir le Conseil des Prud’hommes dans un délai de 12 mois à compter de son licenciement ; le président du Conseil des Prud’hommes étant la seule personne compétente pour trancher le caractère réel et sérieux des difficultés économiques de la société.
Un employeur averti se prémunira donc de cette éventualité par une vérification de la réalité du motif économique au travers de l’examen des bilans et autres situations comptables communiqués par son expert-comptable, préalablement à la mise en œuvre d’un licenciement économique. Sur ce dernier point, on notera que la réalité des difficultés économiques devra en tout état de cause s’apprécier en tenant compte des aides gouvernementales perçues par l’employeur dans le contexte de la crise sanitaire.
La cour d’appel a en effet rappelé en 2021, qu’une entreprise qui exerce son activité dans l’événementiel, dont l’employeur invoque une situation fortement impactée par la crise sanitaire, qui produit divers documents comptables révélant une importante baisse du chiffre d’affaires, mais qui omet de produire des informations sur les aides qu’elle a pu percevoir ou sur les prêts garantis auxquels elle a pu souscrire ne justifie pas de risques manifestement excessifs dont elle se prévaut (CA Paris, 4 mars 2021, n° 20/15164).
Dans l’hypothèse où l’employeur n’est pas en mesure d’établir une difficulté économique sérieuse, il pourra valablement mobiliser un autre motif économique de licenciement tel que la réorganisation de l’entreprise, et ce, dès lors où il sera en mesure de justifier que celle-ci est nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
En dernier recours, l’employeur pourra faire valoir la cessation d’activité de son entreprise.
A cet égard, la jurisprudence considère que cette circonstance ne peut justifier un licenciement économique qu’à condition qu’elle ne soit pas due à une faute de l’employeur ou à sa légèreté blâmable (Cass. Soc. 16 janv. 2001 n° 98-44647).
Pour être admise, la cessation d’activité doit être définitive ; une fermeture temporaire de l’entreprise ne pouvant caractériser une cessation d’activité.
Quels sont les prérequis du licenciement pour motif économique ?
Dès lors où vous entendez avoir recours au licenciement en raison des difficultés économiques de votre société (et non la cessation totale de son activité), vous devrez vous assurer que vous êtes dans l’impossibilité :
- D’une part, de proposer à certains de vos salariés un autre poste au sein de votre entreprise ou dans les autres entreprises du groupe dont celle-ci fait partie ;
- D’autre part, de proposer des formations susceptibles d’aider un ou l’ensemble des salariés à acquérir les compétences nécessaires à leur reclassement dans un autre poste.
L’existence d’une cause réelle et sérieuse est subordonnée à la démonstration de ces deux éléments.
Quelle est la procédure du licenciement économique ?
Les règles classiques du licenciement s’appliquent à l’ensemble des licenciements économiques. Dès lors, l’entretien préalable au licenciement, les effets de la rupture, la lettre de licenciement ainsi que le préavis de licenciement sont autant d’éléments qui continueront de s’appliquer dans le cadre du licenciement économique.
Le licenciement économique pouvant toucher un seul salarié (licenciement économique individuel) ou plusieurs salariés (licenciement économique collectif), vous sont exposées sommairement ci-après les étapes de la procédure du « petit » licenciement (entendu comme étant celle pouvant toucher jusqu’à 9 salariés).
On notera toutefois que la procédure de licenciement ne peut concerner que les salariés embauchés en Contrat à Durée Indéterminée (CDI).
En effet, les Contrats à Durée Déterminée (CDD) et contrats d’apprentis répondent à une procédure distincte dite de « rupture anticipée », les difficultés économiques et de fonctionnement d’une société n’étant pas constitutives d’un cas de force majeure d’un point de vue jurisprudentiel (Cass. soc., 28 avril 1986, n° 84-40.538 et Cass. soc., 20 février 1996, n° 93-42.663).
Ce type de licenciement intervenant dans une situation difficile à gérer tant à l’égard de l’employeur que du salarié, le cabinet LEGALPROTECH-AVOCATS sera en mesure de vous accompagner afin de gérer au mieux cette procédure et de conseiller votre entreprise sur l’ensemble des solutions qui lui sont offertes.
Par Daniella TSHEFU